Directeur de la Ferme du Buisson depuis 2011, Vincent Eches contribue au conseil scientifique du projet Art dans la Ville porté par EPAMARNE. Acteur et témoin privilégié de la vie culturelle locale, il nous parle de Marne-la-Vallée.

Dès les années 70, EPAMARNE, en qualité de maître d’ouvrage délégué auprès du Syndicat Communautaire d’Aménagement (SCA) est intervenu dans des phases d’expertises et d’aménagement de la Ferme du Buisson pour préserver ce patrimoine culturel exceptionnel à Marne-la-Vallée. Soutenu par le Ministère de la culture, EPAMARNE a également accompagné la réhabilitation de la Ferme du Buisson pour la transformer en un véritable Centre d’Action Culturelle essentiel au rayonnement de l’art sur le territoire. De l’organisation d’un concours de maîtres d’œuvre en 1985 à l’aménagement des divers bâtiments dans les années 90, la Ferme du Buisson a pris corps et âme pour devenir la scène nationale que l’on connaît aujourd’hui. En 2004, une bibliothèque s’installa dans l’édifice. EPAMARNE siège au Conseil d’administration de la Ferme du Buisson et lui attribue 50 000 € par an de subventions dans le cadre d’une convention triennale.

Quel regard portez-vous sur le territoire et les habitants de Marne-la-Vallée ?

Le public de la Ferme du Buisson est vraiment à l’image de la population : à la fois très jeune et extrêmement métissé. C’est très beau toutes ces couleurs, ce mélange d’origines diverses, cela a quelque chose d’extrêmement touchant. Quand on naît et que l’on grandit à Marne-la-Vallée, je pense que l’on cultive un rapport vraiment privilégié à l’altérité, ce territoire est extrêmement attachant.

 

La Ferme du Buisson, avec son histoire et son architecture, est entrée dans la vie quotidienne des habitants. Dès qu’il fait beau, l’ambiance se fait très conviviale avec des pique-niques ou des barbecues, devant le caravansérail. Des groupes de randonneurs s’arrêtent le temps de déjeuner. Cet attrait s’explique aussi par la singularité du site, son caractère exceptionnel, comme le Lieu Unique à Nantes. Le lieu n’est pas intimidant, les gens le visitent naturellement. La médiathèque mais aussi les restaurants ou le cinéma de proximité autorisent une fréquentation quotidienne. Nous attirons principalement dans un rayon de 30 kilomètres, les trois quarts de notre public viennent du département ou des franges de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne. Nous sommes là d’abord pour appartenir à la vie de la cité, la programmation artistique provoque ensuite la curiosité.

Existe-t-il des goûts, des aspirations, des pratiques culturelles qui caractérisent la vie locale ?

Champs-sur-Marne et Lognes ont été des terreaux fertiles pour l’éclosion du Hip Hop et de la danse de rue. Des artistes sont même devenus champions du monde lors d’événements internationaux comme Juste Debout, « battle » de danse urbaine. L’an prochain, nous créerons un événement intitulé « La danse est un sport de combat » mêlant danse et arts martiaux car le niveau des pratiquants dans les dojos est ici tout à fait hallucinant ! La jeunesse et la diversité de la population encouragent à proposer énormément de choses, à faire des croisements incongrus, à provoquer des effets de friction. Le mélange entre sites naturels, industriels et très urbains permet aussi de travailler sur des propositions différentes. Et, vu le nombre d’enfants, on peut vraiment imaginer des choses très ouvertes, très joyeuses. L’ancrage local est essentiel, on ne peut pas appliquer de recette tout faite, il faut du sur-mesure…

Vous parlez culture et, de plus en plus, agriculture ?

Mon analyse de ce phénomène, c’est que Marne-la-Vallée s’est construite dans une coproduction politique et associative. Le réseau des parents d’élèves avait par exemple joué un rôle important dans la création des nombreux équipements publics. Le tissu associatif est, depuis, resté très dense, il y avait un véritable imaginaire collectif autour des pionniers de la ville nouvelle. Cela s’était un peu perdu à la fin des années 1990-2000 mais cela s’est véritablement redéveloppé ces dernières années autour de l’écologie urbaine, la ville en transition ou l’alimentation citoyenne. Je remarque avec joie que le sujet et les pratiques d’écologie urbaine mobilisent une population jeune, dont une part impressionnante de très jeunes, tout juste sortis du lycée, et qui ont moins de vingt ans. Ils se retrouvent également autour de questions et de débats sociétaux. Ils assistent nombreux aux « Questions qui fâchent », conférences gesticulées qui nous permettent d’établir des liens avec l’université. Il existe sur ce territoire, grâce à la jeunesse et aux associations héritières de l’esprit de la ville nouvelle, un véritable attachement à la notion de « biens communs ».

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